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Comprendre le disbursement acceleration program

Le Disbursement Acceleration Program (DAP) est un mécanisme gouvernemental philippin lancé en 2011 par le président Benigno Aquino III pour accélérer les dépenses publiques en réaffectant des fonds non utilisés vers des projets prioritaires. Ce programme, qui visait initialement à stimuler l’économie, s’est retrouvé au cœur d’une controverse constitutionnelle majeure avant d’être partiellement invalidé par la Cour suprême en 2014.

Voici ce que vous devez absolument retenir sur le DAP :

  • Programme lancé en 2011 pour réaffecter jusqu’à 136 milliards de pesos d’économies budgétaires
  • Visait à accélérer la croissance économique qui stagnait à 3,9% (sous l’objectif de 5-6%)
  • Déclaré partiellement inconstitutionnel par la Cour suprême en 2014
  • Au centre d’un débat national sur la séparation des pouvoirs exécutif et législatif

Plongeons dans les détails de ce programme qui a transformé la gestion budgétaire philippine et soulevé des questions fondamentales sur la gouvernance financière publique.

Présentation du Disbursement Acceleration Program (DAP)

Le DAP représente une initiative gouvernementale philippine conçue pour dynamiser l’exécution budgétaire et stimuler une économie qui montrait des signes d’essoufflement en 2011. Face à un taux de croissance économique en deçà des attentes, l’administration Aquino a imaginé ce mécanisme pour réinjecter rapidement des fonds dans l’économie.

Le programme repose sur un principe simple : identifier les fonds non dépensés ou sous-utilisés dans différents départements gouvernementaux et les rediriger vers des projets à fort impact économique et social. Ces “économies budgétaires” (savings) proviennent de trois sources principales :

  • Les fonds alloués mais non utilisés par les agences gouvernementales
  • Les économies réalisées sur certains projets
  • Les recettes supplémentaires non prévues dans le budget initial

L’objectif affiché était double : accélérer l’absorption des crédits budgétaires souvent sous-exécutés et maximiser l’impact des dépenses publiques sur le développement national. Dans la pratique, le DAP permettait au pouvoir exécutif de réaffecter des ressources financières sans passer par le processus législatif traditionnel d’approbation budgétaire.

Cette flexibilité budgétaire, présentée comme une innovation administrative, s’est rapidement heurtée à des questions constitutionnelles fondamentales sur les limites du pouvoir présidentiel en matière de gestion des finances publiques.

Origines, contexte économique et lancement du programme

Le DAP est né dans un contexte économique particulier. Au premier semestre 2011, l’économie philippine affichait une croissance de 3,9%, bien en-dessous des objectifs gouvernementaux fixés entre 5 et 6%. Cette situation préoccupante résultait d’une combinaison de facteurs internes et externes :

  • Une politique budgétaire excessivement prudente focalisée sur la réduction du déficit
  • Des procédures administratives alourdies pour lutter contre la corruption
  • Un contexte international morose marqué par des tensions géopolitiques
  • Des catastrophes naturelles affectant la production nationale

Paradoxalement, le gouvernement Aquino faisait face à un problème de sous-exécution budgétaire. Les départements ministériels peinaient à dépenser les fonds qui leur étaient alloués, créant un phénomène de ralentissement économique alors même que des ressources étaient disponibles.

C’est dans ce cadre que Florencio “Butch” Abad, secrétaire au Budget, a élaboré le DAP comme solution d’urgence. Le programme a été officiellement lancé en octobre 2011, sans passer par le Congrès, sous forme d’une directive administrative.

Dès ses débuts, le DAP a mobilisé environ 72 milliards de pesos philippins (environ 1,3 milliard d’euros) pour financer des projets jugés prioritaires. Cette injection rapide de liquidités visait à créer un choc positif dans l’économie nationale et à relancer la machine administrative.

Fonctionnement et mécanismes opérationnels du DAP

Le DAP fonctionnait selon un processus administratif qui contournait délibérément les lourdeurs bureaucratiques traditionnelles. Son mécanisme opérationnel reposait sur quatre piliers :

  1. Identification des fonds disponibles : Le Département du Budget et du Management (DBM) identifiait les “savings” à travers l’administration
  2. Sélection des projets prioritaires : L’exécutif déterminait les projets à financer selon leur impact potentiel
  3. Réallocation rapide : Transfert des fonds sans attendre l’approbation législative
  4. Mise en œuvre accélérée : Procédures simplifiées pour les projets bénéficiaires

Concrètement, le DAP permettait trois types d’opérations financières :

  • Le regroupement d’économies budgétaires issues de différentes agences
  • La réaffectation de ces économies vers des projets non prévus dans le budget initial
  • Le financement de projets relevant même d’autres branches du gouvernement (législatif, judiciaire)

Pour accélérer l’exécution des projets, le DAP s’accompagnait d’une simplification des procédures administratives. Les approbations qui prenaient habituellement des mois étaient réduites à quelques semaines, voire quelques jours pour les projets jugés critiques.

Cette flexibilité sans précédent a permis une réactivité gouvernementale inédite, mais a aussi soulevé des questions sur le respect des garde-fous institutionnels. La définition même des “économies budgétaires” a été élargie pour inclure des fonds non encore dépensés, mais toujours dans leur période d’allocation légale – une interprétation qui sera plus tard contestée devant la Cour suprême.

Acteurs clés et gouvernance du programme

Le DAP reposait sur une gouvernance centralisée autour du pouvoir exécutif, avec plusieurs figures et institutions jouant des rôles déterminants :

  • Benigno Aquino III : En tant que président, il était l’autorité suprême validant les orientations stratégiques du programme
  • Florencio “Butch” Abad : Secrétaire au Budget et architecte principal du DAP, il supervisait directement son fonctionnement
  • Département du Budget et du Management (DBM) : L’agence opérationnelle qui identifiait les fonds et gérait leur réaffectation
  • National Economic and Development Authority (NEDA) : Chargée d’évaluer l’impact économique des projets financés

La structure de gouvernance du DAP présentait une particularité notable : l’absence de mécanisme formel de contrôle externe. Si la Commission on Audit (COA) conservait théoriquement son rôle de vérification des dépenses publiques, le caractère rapide et flexible du programme limitait l’efficacité de ce contrôle.

Les décisions d’allocation relevaient d’un processus relativement opaque. Les demandes de financement remontaient des agences gouvernementales vers le DBM, qui les évaluait selon des critères non publiquement définis. La décision finale revenait au président ou à son secrétaire au Budget.

Cette centralisation a fait l’objet de critiques, notamment du sénateur Joker Arroyo qui dénonçait un “budget présidentiel” échappant au contrôle parlementaire. Le manque de transparence dans les processus décisionnels a alimenté les suspicions sur les motivations politiques derrière certaines allocations, particulièrement celles destinées à des projets soutenus par des alliés du président.

Montants engagés, secteurs financés et impacts économiques

Entre 2011 et 2014, le DAP a mobilisé des sommes considérables, bien que les chiffres exacts varient selon les sources. Les estimations les plus fiables indiquent un total de réaffectations entre 144 et 157 milliards de pesos philippins (environ 2,5 à 2,8 milliards d’euros).

AnnéeMontant (en milliards PHP)Principaux secteurs financés
201172,11Infrastructure, santé, éducation
201253,28Projets sociaux, agriculture, tourisme
201316,44Reconstruction post-catastrophes, sécurité
20142,51Projets d’urgence (avant suspension)

Les secteurs prioritaires financés par le DAP reflétaient les objectifs de développement du gouvernement Aquino :

  • Infrastructures : Construction et réhabilitation de routes, ponts et systèmes d’irrigation
  • Protection sociale : Extension du programme Conditional Cash Transfer bénéficiant aux familles défavorisées
  • Santé : Modernisation des hôpitaux publics et extension de la couverture d’assurance santé
  • Éducation : Construction de salles de classe et recrutement d’enseignants
  • Gestion des catastrophes : Notamment le programme NOAH (Nationwide Operational Assessment of Hazards)

L’impact économique du DAP a été significatif à court terme. Le taux de croissance du PIB philippin est passé de 3,9% au premier semestre 2011 à 6,8% en 2012 et 7,2% en 2013. Cette accélération est partiellement attribuable à l’injection rapide de fonds publics dans l’économie.

Le programme a également permis d’améliorer le taux d’exécution budgétaire, passant d’environ 80% avant le DAP à plus de 95% pendant sa mise en œuvre. Cette efficacité accrue dans la dépense publique a été saluée par plusieurs institutions financières internationales, dont la Banque mondiale.

Controverses, critiques et décisions judiciaires

Malgré ses résultats économiques, le DAP a rapidement fait l’objet de critiques sévères, culminant avec une bataille juridique qui a marqué un tournant dans l’histoire constitutionnelle philippine.

Les principales controverses portaient sur :

  • La constitutionnalité : Le programme semblait violer le principe de séparation des pouvoirs en permettant à l’exécutif de réaffecter des fonds sans approbation législative
  • La définition des “savings” : Le gouvernement considérait comme économies des fonds simplement non dépensés, même au milieu de l’année fiscale
  • L’opacité : Manque de transparence sur les critères de sélection des projets financés
  • Les soupçons de favoritisme politique : Certains projets semblaient bénéficier à des alliés du président

En 2013, suite au scandale du “pork barrel” (PDAF), l’attention s’est portée sur le DAP comme un autre mécanisme potentiellement problématique de gestion des fonds publics. Plusieurs recours ont été déposés devant la Cour suprême pour contester sa légalité.

Le 1er juillet 2014, la Cour suprême des Philippines a rendu un arrêt historique, déclarant inconstitutionnelles certaines pratiques clés du DAP :

  • La création d’économies budgétaires à partir de crédits non encore expirés
  • Le transfert d’économies d’un département à un autre
  • Le financement de projets non inclus dans le budget général approuvé par le Congrès

La Cour a jugé que ces pratiques violaient l’article VI, section 25(5) de la Constitution philippine qui limite strictement le pouvoir de l’exécutif en matière de réaffectation budgétaire.

Cette décision a provoqué une onde de choc politique. Le président Aquino a publiquement critiqué la Cour et déposé une motion en reconsidération, mais le programme a été effectivement suspendu, marquant la fin de cette expérience controversée de gestion budgétaire.

Enjeux de transparence, gouvernance et enseignements pour l’avenir

L’épisode du DAP a mis en lumière plusieurs enjeux fondamentaux de gouvernance financière publique, dont les leçons restent pertinentes pour de nombreux pays en développement.

La première leçon concerne l’équilibre délicat entre efficacité administrative et contrôle démocratique. Si le DAP a indéniablement accéléré l’exécution budgétaire, il l’a fait au prix d’un affaiblissement des mécanismes de contrôle législatif. Cette tension entre performance et respect des procédures démocratiques reste un défi permanent pour les gouvernements.

La transparence apparaît comme une condition non négociable de toute innovation en matière de gestion budgétaire. L’une des principales faiblesses du DAP résidait dans le manque d’information publique sur :

  • Les critères précis de sélection des projets
  • Le processus décisionnel d’allocation des fonds
  • Le suivi détaillé des résultats obtenus

La saga du DAP a également souligné l’importance d’une interprétation stricte des concepts budgétaires fondamentaux. La définition élargie des “savings” adoptée par le gouvernement Aquino a été au cœur de la controverse constitutionnelle. Cette expérience rappelle que l’innovation administrative ne peut s’affranchir du cadre légal existant.

Pour l’avenir, plusieurs recommandations émergent de cette expérience :

  • Développer des mécanismes d’accélération budgétaire respectueux de la séparation des pouvoirs
  • Mettre en place des plateformes numériques de transparence budgétaire en temps réel
  • Renforcer les capacités d’absorption des agences gouvernementales plutôt que de contourner les procédures
  • Institutionnaliser la participation citoyenne dans le suivi des dépenses publiques

Le cas du DAP philippin reste instructif pour tout gouvernement cherchant à moderniser sa gestion budgétaire. Il rappelle que l’efficacité ne peut jamais justifier le contournement des principes constitutionnels fondamentaux, et que la transparence constitue le meilleur rempart contre les dérives potentielles.

Les Philippines ont depuis renforcé leurs mécanismes de contrôle budgétaire, notamment à travers des réformes législatives limitant strictement le pouvoir discrétionnaire de l’exécutif en matière de réaffectation de fonds. Cette évolution témoigne d’une maturation démocratique issue directement des leçons du DAP.

Léo

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